Les attaques terroristes ayant eu lieu à Mumbai, mégalopole hyperactive tournée vers l'Occident, semblent avoir réveillé nos consciences, et mis à mal une vision assez floue et très opportuniste du pays qui a vu émerger le concept de non violence. En réalité, l'Inde est en guerre depuis plusieurs dizaines d'années, non contre le terrorisme, mais afin de résoudre le conflit créé entre ses principales communautés religieuses au moment de la partition de 1947...
Il faut remonter au moins un siècle ennemi en arrière pour comprendre ce qui se joua au moment de l'Indépendance.La chute de l'Empire Moghole au milieu du XIXème siècle, marque une crise profonde de l'identité musulmane, qui avait façonné la majeure partie du sous continent indien pendant près de trois siècles (1526). Avec l'établissement de l'Empire des Indes, le joug britannique contribue diviser (pour mieux régner)les communautés qui composent majoritairement le peuple indien:
- les musulmans qui forgent leur identité communautaire sur la religion
- les hindous qui développent un fort sentiment nationaliste
Dans les années 1930, émerge l'idée que les musulmans de l'Inde doivent avoir leur État. C'est la "théorie des deux nations". Un groupe d'étudiants musulmans basé en Angleterre invente alors le terme "Pakistan", qui est l'acronyme de plusieurs provinces où l'on retrouve le P. de Penjab, A. de Afghania, K. des Kashmir, S. de Sind... Cette théorie de deux états séparés sera reprise la la Ligue musulmane dirigée par Ali Jinnah au congrès de Lahore en 1940.
Le Tajmahal hôtel de Mumbai en état de siège
Au moment où les britanniques accordèrent l'Indépendance à l'Inde, le parti de Jinnah, craignant une hégémonie hindoue, obtint l'appui de Lord Mountbatten (dernier vice-roi des Indes) dans la création d'un état séparé. Le traité de Radcliffe définit alors le tracé de deux frontières dans les parties occidentale et orientale de l'ex Empire des Indes:
- une partie occidentale correspondant à l' actuel Pakistan
- un Pakistan oriental, ou Bangladesh
Six millions de musulmans quittèrent l'Inde, tandis que quatre millions d'hindous la rejoignent. Les hindous et les Sikhs gagnèrent les états du Pendjab, de l'Haryana, du Jammu Kashmir et de Delhi. Les musulmans de part et d'autre des frontières au Nord Ouest et à l'Est, dans le Delta du Gange. On estime encore mal aujourd'hui le nombre de victimes directes de l'exode ou de la partition. Massacres sur les routes, persécutions, incendies, pillages, infanticides massifs des filles sikhs par leurs pères pour qu'elles ne soient pas converties à l'Islam, chaque indien (ou désormais pakistanais), musulman, sikh ou hindou rescapé de cette transhumance imposée par l'Histoire a emporté dans sa mémoire des images dramatiques concernant sa famille, ou ses proches. Un cycle de violence alimenté par le désir de revanche sur le sort des siens, n'a alors eu de cesse d'entretenir un climat de guerre larvée dans toute l'Union Indienne. Les habitants des régions frontalières du Pakistan, notamment l'état du Jammu Cachemire reste une zone très conflictuelle entre les deux états voisins.
Les relations Inde-Pakistan depuis la partition - Source Wikipedia
Le problème de l’administration du Cachemire continue d’être le point de discorde et le lieu circonscrit d’affrontement entre l’Inde et le Pakistan. De son côté, l’Inde affirme que la totalité du territoire lui appartient, tandis qu’une partie est administrée par le Pakistan : le POK (Pakistan Occupied Kashmir) - que le Pakistan appelle, de son côté, le « Kashmir Libre » (Azad Kashmir). Le regain du conflit indo- pakistanais culmine avec les attaques terroristes à la fin des années 90. Depuis le début des années 2000, les attentats n'ont cessé de se succéder dans cette zone, et au delà, touchant régulièrement le Pendjab, l'Haryana et Delhi, ainsi que plus récemment le très touristique Rajasthan. Ce soir, l'enquête menée par la police indienne révèle l'implication d'un jeune Kashmiri appartenant à un mouvement jiadiste, s'étant fait passé avec d'autres jeunes indiens pour des étudiants, et ayant, jour après jour, repéré, et même constitué une réserve d'armes dans les deux grands hôtels afin d'organiser un siège.
Ainsi, s'il existe une origine "internationale" de la mouvance terroriste, il importe de voir qu'en Inde, il existe une lutte fratricide entre les communautés qui n'a trouvé aucun apaisement depuis les jeûnes que Gandhi s'était imposé pour obliger hindous et musulmans à cesser leurs atrocités mutuelles.
Pour ce qui est de Mumbai, l'ancienne Bombay, capitale économique de l'Inde, moderne, dynamique, arrogante de suractivité face à un Occident qu'elle a désormais conquis grâce, entre autres, au génie des businessmen Gujaratis (état limitrophe de Bombay) parmi les mieux formés et les plus performants au monde, elle est un symbole. Le symbole d'une vision de la modernité, de la réussite, du goût pour le luxe, et les plaisirs de la consommation. D'une catégorie affairiste qui devient de plus en plus riche, d'une classe moyenne "speedée" par le progrès et la rentabilité, voulant sa part du gâteau mais restant au bord du burn out physique et mental, débordée par une pauvreté galopante à mesure que les écarts se creusent, et une mafia qui épaissit son matelas sur le dos de toutes ces castes,pour le coup, confondues et devenues impuissantes à enrayer un processus que le Mahatma avait vu s'amorcer et menacer sa nation de sombrer dans le chaos: la corruption.
On s'étonne des mesures insuffisantes en matière de sécurité. Pourquoi? Chacun sait que la police de Mumbai est l'une des plus corrompues de L'Inde, et peut-être du Monde. Quant à l'armée, un grand climat de suspicion pèse dans ses rangs. Avec son milliard d'habitants, l'Inde saura-t-elle relever le défi de la défense interne de son territoire?
C'est un sentiment mitigé que l'on ressent au sortir de ces 48h de combats pour lever le siège d'un Palace devenue la geôle fumante de ressortissants étrangers. Oui, le calme semble revenu. Comme à Delhi il y a deux mois, comme à Jaipur cet été...
Maîtriser un phénomène d'expansion mondiale des actes terroristes, dans un pays où la moindre vexation peut devenir un brasier dévastateur,cela semble plus l'improbable.
Alors, que faire? Ou que dire d'autre de ces évènements?
Tout d'abord qu'ils affectent profondément toute personne aimant ce pays, ses habitants, comme le respect du à toute vie sur terre.
Deuxièmement, qu'il est important pour les Occidentaux de sortir enfin de ce rêve un peu fumeux d'une Inde végétarienne,"non violente" et exclusivement spiritualiste.
Enfin, que nous souhaitons tous voir à nouveau un ou des grands hommes émerger de cette nation continent, et donner un monde un exemple d'une voie possible, respectant la dignité comme la différence des communautés, et restaurant le sens du sacré inné à tout être humain.
Quelques repères
Les actes terroristes en Inde depuis les 90's
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=70991
Les relations indo-pakistanaises :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Pakistan
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cachemire
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/inde-pakistan/cachemire.shtml
Se documenter
L'Inde, d'un millénaire à l'autre:1947-2007, Shashi Taroor, Seuil 2007
Les Indiens face à leur passé, Eric Meyer,Albin Michel 2007
Inde, société, histoire, culture, Pauline Garaude Editions La Découverte 2008
Gandhi et l'Inde,un rêve d'unité et de fraternité, Phillipe Godard, Syros Jeunesse
Un autre Islam:Inde, Pakistan, Bangladesh, Marc Gaborieau, Albin Michel 2007
Voir...
Sur la partition
Gandhi, avec Ben Kingsley
1947-Earth, avec Aamir Khan
Veer Zara, avec Preity Zeita et Shah Rukh Khan
Sur le terrorisme lié à la région du Cachemire
Pukkar,avec Madhuri Dixit et Anil Kapoor
Dil Se, avec Shah Rukh Khan et Manisha Koirala
Sur la cohabitation entre les communautés en 2000
Rang De Basanti, avec Aamir Khan
Rencontrer...
La communauté Indo Pakistanaise à Montpellier avec l'association Inde Pakistan
Place Saint Roch, à côté du restaurant Le Rajasthan
Débattre...
Attaque sur Bombay sur le forum indeaparis.com