Avec plus d'un milliard de justiciables et des centaines de milliers de villes et de villages répartis sur un territoire grand comme six fois la France, l'Inde est une jeune démocratie dotée d'une justice très ancienne qui a dû se moderniser pour prendre en compte les intérêts locaux et tribaux, tout en respectant l'impératif d'unité et d'intégrité de la Nation indienne. Nous vous présentons aujourd'hui le système judiciaire indien avec quelques unes de ses particularités comme la peine de mort ou encore les conseils de villages...
Loi, Cours et Constitution
L'Inde est doté du plus ancien système judiciaire au monde dont les lois et la jusrisprudence ont traversé les siècles et suivi l'évolution des différents populations de l'Inde. La base du système judiciaire indien commence avec la Constitution instaurée en 1950, lors de l'accession de l'Inde à l'indépendance. Cela s'est concrétisé par la mise en place d'une fédération d'états disposant d'assemblées légistatives locales, d'un parlement central de l'Union et des États, d'un appareil judiciaire indépendant, le tout ayant pour objectif de garantir les droits et les directives de base d'une politique d'État dont l'application est fondamentale à la gouvernance de la Nation indienne.
Sources des lois
La base des lois indienne est la Constitution qui définit et valide les lois, la jurisprudence et les droits coutûmiers et veille à leur respect. Les lois sont votées par le Parlement et les assemblées des États et des Territoires. La Constition indienne est d'ailleurs la plus longue de toutes les constitutions existantes avec 395 articles représentant, dans sa version anglaise, un total de 117,369 mots ! Il existe aussi un vaste ensemble de lois annexes sous forme de règlements ou d'arrêtés à l'initiatives des gouvernements des États, du gouvernment central ou des autorités locales comme les mairies, les communautés urbaines, les Gram Panchayats (voir plus bas) ainsi que d'autres entités locales. Dans tous les cas cette législation annexe se fait dans le cadre d'une délégation de pouvoir octroyée, soit par le Parlement Central, soit par l'une des d'assemblées légistatives des États. Toute décision de la Cour Suprème prévaut sur toutes celles prises par tout autre juridiction indienne. Du fait d'une grande diversité éthnique, les lois coutumières et conventions locales qui ne sont pas contraires à la législation ou à la moralité sont reconnues et sont éventuellement prises en compte par les juges.
La Cour Suprême de l'Inde
Promulgation des lois High Courts (Hautes Cours) Il y a 18 Hautes Cours en Inde dont 3 ont une juridiction qui s'étend sur plus d'un État. Ainsi, Bombay High Court couvre le Maharashtra, Goa, Dadra et Nagar, Haveli et Daman et Diu. Guwahati High Court (antérieurement Assam High Court), couvre l'Assam, Manipur, Meghalaya, Nagaland, Tripura, Mizoram and l'Arunachal Pradesh. La Punjab et Haryana High Court couvrant, quant à elle, le Pendjab, l'Haryana et Chandigarh. Parmis les Territoires de l'Union (Union Territories), seule Delhi dispose d'une Haute cour. Les autres Territoires de l'Union dépendent, quant à eux, de Hautes Cours d'autres États. Le président d'une Haute Cour (High Court Chief Justice) est nommé par le Président de l'Inde sur recommandation du ministre de la Justice et du gouverneur de l'État. Le président d'une Haute Cour doit impérativement prendre se retraite à 62 ans. Tous tribunaux d'un État sont placés sous l'autorité de la Haute Cour de ce même État.
Le parlement indien est habilité à légiférer sur les sujets énumérés dans la liste de l'Union (Union List) alors que les d'assemblées légistatives des États sont compétents pour légiférer sur les sujets énumérés par la liste des États (State List) alors que les deux on le pouvoir de légiférer sur les sujets énumérés dans la liste commune (Concurrent List). Les lois du Parlement central sont prioritaire sur celles des États pour tous les domaines communs (voir 7th_schedule).
Application des lois
Les lois votées par le Parlement central sont applicables sur tout le territoire de l'Inde alors que celles votées par les assemblées législatives des États ne s'appliquent qu'au territoire de l'État concerné (et parfois un état voisin). Il est donc possible certaines lois diffèrent d'un état à l'autre sur les sujets rentrant dans le cadre des listes d'État et commune (voir 7th_schedule).
Judiciaire
La particularité de la constitution indienne est que, nonobstant l'adoption d'un cadre judiciaire à l'échelle des États et de la Nation, dans leurs domaines de compétences respectifs, elle a su mettre en place un système judiciaire cohérent pour administrer l'ensemble des lois. Au sommet du système judiciaire indien se trouve la Cour Suprême sous laquelle sont placées les Hautes Cours (High Courts) de chaque État ou, dans certains cas, groupe d'États (voir encadré). Viennent ensuite toute une hiérarchie de Cours subordonnées. Les cours locales (Panchayat Courts) équivalent du juge de paix français, existent dans tous les États sous des noms variables comme par exemple Nyaya Panchayat, Panchayat Adalat, Gram Kachheri, etc. Ces cours sont compétentes pour la justice locale tant civile que pénale. Chaque État est divisé en district judiciaire présidé par le "District Judge" et le "Sessions Juge" qui sont compétent pour juger tout affaire civile et pénale de toutes importances y compris celles punissables de la peine capitale (voir plus bas). Le Sessions Judge est la plus haute autorité judiciaire du district. Sous son autorité son placées, d'une part, les Cours Civils (équivalentes de nos Tribunaux d'instance) connue dans différents États sous l'appelation de Munsifs, Sub-Judges, Civil Judges, etc. et d'autre part les Cours Pénales sous l'autorité des "Chief Judicial Magistrates" et des "Judicial Magistrates of First and Second Class".
Gram Panchayat ou Conseil de village
Le Gram Panchayat (Gram pour village, Panch pour cinq et Yat pour conseil) ou conseil de village est une particularité de l'Inde qui délègue à ces conseils la prise en charge à leur niveau des affaires locales tant au niveau social, culturel qu'économique. Il existe plus de 250.000 Gram Panchayat sur tout le territoire indien. Les membres de ce conseil sont élus pour cinq ans par tous les adultes du village ou d'un groupe de très petits villages 'minimum 500 habitants au total). Pour être éligibles, les membres (Panches) doivent avoir plus de 21 ans et n'avoir pas plus de deux enfants. Le Gram Panchayat peut avoir de 7 à 17 membres et certains sièges sont réservés aux personnes issues des castes et tribus repertoriées (scheduled classe & scheduled tribes) et aux femmes. Les membres élus choisissent un président (Sarpanch) ainsi qu'un vice-président (Deputy Sarpanch) pour la période de la législature. Dans certains cas, le président peut aussi être choisi par les villageois au moment de l'élection des membres. Le Gram Panchayat a la faculté de lever des impôts fonciers sur les terrains et bâtiments du village mais aussi de mettre en place diverses taxes comme la taxe professionnelle, taxe de pèlerinage, taxe sur le commerce du bétail. Il peut aussi recevoir des subventions de l'État au prorata des revenues fonciers perçus par le conseil de district (Zilla Parishad). Avec les fonds dont il dispose, le Gram Panchayat intervient sur l'administration du village sur les points suivants : Voirie, état-civil, santé publique, eau potable, eaux usés, éducation, aide à l'agriculture.
Peine capitale
La peine capitale reste applicable en Inde. Une directive de 1983 émanent de la Cour Suprême préconisait que cette peine ne soit applicable que dans les cas les plus rares des cas les plus rares "the rarest of rare cases". En soixante ans seuls les crimes les plus odieux et les assassinats politiques les plus marquants ont fait l'objet de cette punition. Ainsi, les assassins du Mahatma Gandhi et d'Indira Gandhi furent exécutés. C'est la pendaison qui est employée pour l'exécution de la peine capitale. Cette méthode, souvent contestée, reste en vigueur par la volonté de la Cour Suprême qui en 1983 réaffirma qu'elle n'impliquait ni barbarie, ni torture, ni humiliation ou dégradation. La dernière exécution remonte à août 2004 et concernait Dhananjoy Chatterjee, pour le viol et le meurtre en 1990 d'une écolière. Selon la loi indienne, la peine de mort peut être requise dans les cas suivants : Meurtre, vol en bande avec meurtre, incitation au suicide d'un enfant ou d'un malade mental, conspiration contre le gouvernement, incitation à la mutinerie par un membre des forces armées et, plus récemment, terrorisme pendant l'application des lois antiterroristes. Le condamné à mort peut interjeter appel de la sentence pour être rejugé par une Haute Cour (High Court). Si celle-ci confirme la sentence, seule la Cour Suprême est habilité à casser le jugement. Une fois toutes les voies judiciaires épuisées reste le recours en grâce auprès du Président de la République qui ne prendra de décision qu'après avoir consulté ses ministres.
A lire
Inde : condamnation à mort pour les meurtiers et violeurs d'enfants
17/02/09 - L'Express
"Un homme d'affaires indien et son domestique ont été condamnés à mort à New Delhi pour avoir violé et tué au moins 19 enfants des bidonvilles. Retour sur une affaire sordide qui en dit long sur la pauvreté et l'injustice en Inde."
Liens utiles
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Documents téléchargeables
La Constitution de l'Inde (pdf)
Union, Sates and Concurrent Lists (7th Schedule)
Les livres utiles
L'Inde contemporaine - de 1950 à nos jours - Fayard/CERI
3ème édition 2006 sous la direction de Christophe Jaffrelot
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Inde un destin démocratique - La Documentation Française
1999 - Max Jean Zins
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La Politique de l'Inde - PUF
1994 - Max Jean Zins
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L'Inde au vingtième siècle - PUF
1975 - Jacques Puchepadass
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