Le film se déroule dans l’Inde coloniale de 1938, au moment où Gandhi arrive au pouvoir. L’histoire commence le jour où Chuyia, âgée de 7 ans, perd son mari et est envoyée dans une maison où les veuves hindous vivent en pénitence. Agées de 18 à 80 ans, ces femmes "paria" à la tête rasée, mendient pour manger et passent leur temps à prier en attendant la mort.
L'arrivée de cette enfant curieuse et innocente va affecter la vie des autres résidentes. Et notamment celle de Kalyani, une belle veuve qui tombe amoureuse de Narayan, un jeune idéaliste, disciple de Gandhi. Peu à peu, la présence de Chuyia va ébranler tout ce qu’elles se sont résignées à accepter et les pousser à se révolter contre la tyrannie de ce mode de vie dépassé et controversé.
Contexte
Bal Thackeray, leader de Shiv Sena, l’un des groupes fondamentalistes hindous de droite les plus puissants d’Inde, aurait un jour déclaré que Deepa Mehta était la personne qu’il haïssait le plus au monde. Thackeray est un adversaire puissant et dangereux. Après enquête judiciaire, il fut désigné comme le provocateur des foules hindoues frénétiques qui en 1992, brûlèrent des maisons et des magasins Musulmans et tuèrent 1200 personnes à Bombay.
Deepa Mehta réalisatrice du film Water
"Water de Deepa Mehta est un film magnifique. Le jeu de toutes les actrices de la Maison des veuves est exceptionnel : intimiste, douloureux, blessé, tendre, brutal. Le lyrisme fluide de la caméra provoque un troublant contraste avec les difficultés arides rencontrées par les personnages. Le film a des choses sérieuses et ambitieuses à dire sur l’écrasement des femmes par des dogmes sociaux et religieux atrophiés. Mais, et c’est tout à son honneur, le film raconte cette histoire de l’intérieur, accentuant ainsi le drame humain de leur existence, et nous touchant droit au coeur." |
Ces affrontements furent organisés par le RSS, une faction fondamentaliste hindoue étroitement proche des positions du Shiv Sena, et branche culturelle du BJP, le parti au pouvoir à cette époque à New Delhi. Le gouvernement indien réprouva publiquement cette atteinte à la liberté d’expression et fournit 300 troupes pour protéger la production et renforcer la protection autour de Mehta. Cela ne découragea pas les opposants au film qui, bien organisés, avaient un espion dans les bureaux de la production et trouvèrent un moyen de mettre les téléphones portables du producteur et de la réalisatrice sur écoute. Durant 2 semaines, la production tînt bon à Bénarès, sollicitant le soutien du gouvernement et des autorités religieuses locales, mais en vain. Des effigies de Deepa Mehta étaient brûlées quotidiennement dans les villes à travers tout le pays, chacun de ces événements étant largement couvert par les médias indiens qui nourrissaient ainsi les objectifs des auteurs des crimes. Finalement, suite à la tentative de suicide d’un contestataire qui avait sauté dans le Gange en signe de protestation, le gouvernement interrompit le tournage pour des raisons de "sécurité publique".
Durant cette période, des marques de soutien arrivèrent du monde entier : George Lucas prit notamment une page entière de publicité dans Variety pour encourager Deepa à poursuivre le combat. Malheureusement rien de tout cela n’eût d’impact sur les fondamentalistes radicaux ou le gouvernement local. Il fallut presque 5 ans pour relancer la production de Water, et le film fut finalement tourné au Sri Lanka, sous un faux titre et dans le plus grand secret. Water se déroule dans une maison pour les veuves hindoues, dans une Ville Sainte de l’Inde de 1938 et beaucoup affirment que les conditions de vie des personnages décrites dans le film ne sont plus celles d’aujourd’hui. C’est malheureusement faux, et la volonté des fondamentalistes de droite de cacher partiellement cette réalité, explique les attaques vicieuses dont ont été victimes la production et la réalisatrice. Le film est désormais terminé, mais la bataille avec les fondamentalistes est loin de l’être. Mehta continue de recevoir des appels anonymes d’hommes et de femmes qui lui conseillent "amicalement" de ne pas sortir le film en Occident, où le public ne pourrait pas comprendre la complexité de l’ordre social et religieux qui existe en Inde.
Note de la réalisatrice
Certaines images s’inscrivent de façon indélébile dans nos esprits. L’une des images qui me poursuit depuis 10 ans, est celle d’une veuve hindoue de la Ville Sainte de Varanasi en Inde. Pliée comme une crevette, le corps desséché par l’âge, les cheveux blanc rasés très court, elle a détalé à quatre pattes, cherchant furieusement quelque chose qu’elle avait perdu sur les marches du Gange. Sa détresse était visible tandis qu’elle cherchait parmi la foule des premiers pèlerins du matin. Personne ne lui prêtait attention, pas même lorsqu’elle s’est assise pour pleurer, n’ayant pas réussi à retrouver ce qu’elle avait perdu. C’est l’image de cette veuve, accroupie, les bras étendus sur ses genoux, la tête courbée en signe de défaite, qui s’est imprimée dans mon esprit et m’a donné l’idée d’un scénario qui, 10 ans plus tard, est devenu le film Water. J’étais à Varanasi pour réaliser un épisode des Chroniques du jeune Indiana Jones, la série télévisée de George Lucas. En guise de préparation, je passais les débuts de matinées sur les rives du Gange, essayant de m’habituer à cette ville qui attire les pèlerins de toute l’Inde. Parmi eux, se trouvent les veuves hindoues qui, en raison de croyances religieuses complexes, sont condamnées à une vie de privation et d’indignité. Elles viennent à Varanasi pour mourir. Mourir sur les rives de la Rivière Sainte leur garantit le salut immédiat. Bien qu’Hindoue moi-même, ces veuves m’apparaissaient un peu comme une anomalie, jusqu’à ce que je commence mes recherches pour Water. Leur condition m’a énormément émue. Ces femmes mènent leurs vies selon les préceptes d’un texte religieux datant de presque 2000 ans. Water se déroule en Inde à la fin des années 30, une époque où les mariages d’enfants étaient encore très répandus. Les jeunes filles étaient souvent mariées à des hommes plus âgés pour des raisons économiques. Lorsque les hommes mouraient, ils laissaient derrière eux de jeunes veuves qui étaient alors enfermées dans des ashrams. C’est ce qui arrivait à la plupart des veuves, considérées par leurs familles comme un fardeau financier. J’ai décidé de suivre une jeune veuve de 8 ans, et de décrire sa vie dans un ashram où sa présence commence à perturber et affecter la vie des autres résidentes. En l’an 2000, après approbation du scénario par le gouvernement indien et armés de toutes les autorisations requises, nous avons rassemblé l’équipe technique et artistique de Water à Varanasi. Après 6 semaines de pré-production, nous avons commencé le tournage sur les rives du Gange. Nous n’aurions jamais pu imaginer ce qui allait se passer.
Une nuit, de violentes manifestations des fondamentalistes hindous ont éclaté dans la ville. Les décors ont été jetés dans la rivière, mon effigie brûlée, les protestataires ont défilé dans les rues de Varanasi, justifiant leurs actes en accusant Water d’être anti-hindou, dénonçant le film et sa description des veuves hindoues. Personne n’avait lu le scénario. Abasourdis par la tournure des évènements, nous avons essayé d’obtenir de l’aide du gouvernement d’état qui avait approuvé le scénario, mais sans succès.
Entre l’intensification des protestations, l’escalade de la violence et les menaces de mort, nous avons dû interrompre la production. Rétrospectivement, Water reflète bien d’une manière ou d’une autre ce qui se passait en Inde à ce moment là : la montée en puissance des fondamentalistes hindous, leur intolérance pour toute chose ou toute personne qui les considèrent avec scepticisme ; dans tous les cas nous étions une cible visible et facile. Water est alors devenu une mission personnelle, mais il a fallu 4 ans avant que David Hamilton, le producteur, et moi même puissions ressusciter le projet au Sri Lanka. Prendre le risque de retourner le film en Inde aurait été dangereux et imprudent.
J’ai du refaire tout le casting. La lumineuse Nandita Das, actrice principale de Fire et Earth, a du être remplacée par la jeune Lisa Ray. Seema Biswas, connue pour son rôle dans Bandit Queen, a accepté de jouer Shakuntala à la place de Shabana Azmi’as. Pour le rôle de Chuyia, j’ai découvert une petite fille au Sri Lanka qui n’avait aucune expérience de la caméra mais était très "naturelle".. Elle a été incroyable. Tourner au Sri Lanka a été un bonheur après l’horrible expérience de Varanasi. Giles Nuttgens était à nouveau derrière la caméra, comme pour Fire et Earth. Je pense que Giles est extrêmement doué. Dilip Mehta, mon frère, a réalisé les décors. Recréer l’Inde au Sri Lanka était une tâche intimidante. Nous avons décidé de ne même pas essayer de reproduire Varanasi. Le faire aurait signifié exploser le budget. Colin Monie a monté le film à Toronto. J’avais vu The Magdalene Sisters, qu’il avait monté et senti qu’il avait le bon équilibre de sensibilité et de passion. Maintenant que le film est terminé, je peux regarder en arrière le chemin parcouru. L’angoisse, les menaces de mort, les politiques, l’affreux visage du fanatisme religieux… : nous en avons fait l’expérience. Est ce que cela en valait la peine ? je m’interroge souvent… Alors l’image d’une veuve aperçue 10 ans plus tôt me revient à l’esprit, je la revoie assise sur les marches du Gange, sa bouche édentée laissant échapper les sons du désespoir. J’ai découvert plus tard qu’elle avait perdu son unique paire de lunettes. Sans elles, elle était à moitié aveugle.
Les personnagesChuyia est une petite fille de 8 ans, aux yeux brillants et pétillants, avec une longue tresse indisciplinée lui tombant bien en dessous de la taille. Ses poignets minuscules portent deux anneaux rouge chacun, et des bracelets d’argent encerclent ses chevilles osseuses.
Sa famille l’a récemment mariée à un homme riche et plus âgé de leur village dans l’espoir qu’elle emménage chez lui et devienne une parfaite épouse le jour où elle en aura l’âge. Mais son mari tombe malade et meurt, faisant de Chuyia une veuve. La tradition veut qu’elle aille vivre dans une maison pour les veuves hindoues, où elle passera sa vie dans le renoncement. En tant que veuve, on attend d’elle qu’elle expie les péchés passés qui ont conduit à la mort de son époux. Madhumati, une veuve d’environ 75 ans, est la matriarche de la maison. Chaque jour, elle s’assied dans la cour et donne des ordres aux autres veuves ; la nuit, allongée dans sa chambre, elle fume de la ganja et écoute les derniers commérages que lui rapporte sa seule amie, Gulabi, un eunuque et souteneur. Shakuntala est l’une des 14 veuves partageant la maison dans laquelle Chuyia est obligée de déménager. Assez jolie, intelligente et cultivée, elle est peut-être la plus énigmatique des veuves. Silencieuse et réservée, Shakuntala est tiraillée entre son espoir et son adhésion dévouée aux diktats des écritures hindoues. Kalyani est belle à couper le souffle. Elle est la seule veuve dont les cheveux ne sont pas rasés, en signe de reconnaissance de la profession qui lui a été imposée dès son plus jeune âge par la puissante Madhumati. Simple et gentille, elle irradie d’une innocence enfantine. Kalyani passe ses journées à jouer avec son chiot Kaalu, ou à parler à la petite statue du dieu Krishna qu’elle a dans sa chambre. Ses nuits sont surréalistes. Gulabi lui fait traverser le fleuve, jusqu’aux demeures des riches messieurs de Rawalpur. Elle l’accepte avec sérénité : c’est son karma. En outre, elle considère que c’est peut-être une épreuve que le dieu Krishna lui impose et, que comme le dit le livre sacré, "elle doit vivre comme la belle fleur de lotus que l’eau sale dans laquelle elle vit n’atteint pas".
Les autres veuves la laissent de côté, considérant qu’un contact rapproché avec elle pourrait souiller leur pureté. Lorsqu’elle rencontre Narayan, l’acceptation spirituelle de son destin commence à voler en éclats et elle commence à résister aux volontés de Madhumati. Narayan, qui vient d’achever ses études de droit, est un idéaliste, partisan du “Quit India Movement” de Gandhi. Narayan rencontre Kalyani par hasard. L’attirance entre eux est immédiate, mais les interdictions qui pèsent sur les femmes veuves rendent difficile la poursuite d’une quelconque relation. Narayan ignore les tabous culturels et continue à voir Kalyani et à vouloir l’épouser. Mais le mariage est strictement interdit aux veuves.
Fiche artistique
Shakuntala SEEMA BISWAS
Kalyani LISA RAY
Narayan JOHN ABRAHAM
Chuyia SARALA
Sadananda KULBUSHAN KHARBANDA
Bhagwati WAHEEDA REHMAN
Gulabi RAGHUVIR YADAV
Rabindra VINAY PATHAK
Snehlata RISHMA MALIK
Gyanvati MEERA BISWAS
Madhumati MANORMA
Patiraji DR VIDULA JAVALGEKAR
Seth Dwarkanath GERSON DA CUNHA
Fiche technique
Production HAMILTON MEHTA PRODUCTIONS Inc
Co-production TELEFILM CANDA
NOBLE NOMAD PICTURES LTD.
ECHO LAKE PRODUCTIONS LLC.
Prdocteurs exécutifs Mark BURTON
Ajay VIRMANI
Doug MANKOFF
Directeur de la Photographie Giles NUTTGENS
Directeur Artistique Dilip MEETHA
Montage Colin MONIE
Musique Mychael DANNA
Costumes Dolly AHLUWALLIA
Produit par David HAMILTON
Ecrit et réalisé par Deepa MEHTA
Ventes Internationales CELLULOID DREAMS
Distribution FILMS SANS FRONTIERES
Film en version originale sous-titrée VOST
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