Dynamiques et protecteurs de leurs libertés, les médias indiens jouent un rôle vital dans le système démocratique du pays. Pourtant, dans les Etats agités par des rébellions séparatistes ou maoïstes, les journalistes sont pris entre plusieurs feux.
Spécialistes des scoops retentissants, les chaînes de télévision indiennes privées ont commis de graves dérapages déontologiques en 2006. En août, des journalistes de chaînes locales de l’Etat du Bihar ont acheté de l’essence et des allumettes à un désespéré pour qu’il se suicide sous l’œil des caméras.
Mais ce sont surtout les opérations montées par la presse pour piéger les gens que les députés veulent encadrer avec des amendements à la loi sur l’audiovisuel. “Les médias ne font que refléter la colère du public. (...) Les opérations montées montrent la corruption politique et les rackets trop courants dans la société”, affirme un présentateur de CNN-IBN opposé à toute restriction de cette pratique. Fortes de plus de 60 millions d’abonnés, les chaînes d’informations du câble se sont imposées comme les médias les plus importants du pays.
Le gouvernement de New Delhi a promulgué en novembre une loi révolutionnaire sur les radios communautaires qui ouvre la voie au développement très attendu des médias de proximité. En début d’année, Raghav FM Mansoorpur 1, animée sans licence par un jeune réparateur d’équipements électroniques dans l’Etat du Bihar, avait été fermée au nom de l’archaïque Indian Telegraphs Act. Ses programmes étaient constitués d’informations locales et de musique. En 2006, le gouvernement fédéral a accordé plusieurs centaines de licences à des radios FM privées, après des années de protectionnisme. La BBC Worldwide a ainsi gagné sept licences pour les principales villes du pays.
L’intrépidité des journalistes indiens leur vaut régulièrement des représailles. Au moins 65 professionnels des médias ont été agressés ou menacés de mort en 2006 par des policiers, des délinquants, des chefs d’entreprise ou des militants politiques. En 2006, deux journalistes ont été assassinés dans l’exercice de leur travail. Prahlad Goala, d’un quotidien régional dans l’Etat de l’Assam (Nord-Est), a été tué après la publication d’articles dénonçant le népotisme d’un fonctionnaire local. C’est également dans le Nord-Est que le chef du bureau d’un quotidien a échappé à une tentative d’assassinat menée par un groupe armé communiste. Dans l’Etat du Maharashtra (Centre), Arun Narayan Dekate, un jeune correspondant d’un journal régional, a été tué à coups de pierre par des malfrats qu’il avait nommés dans ses articles.
Dans l’Etat du Chhattisgarh (Centre-Est), particulièrement touché par la révolte maoïste, les autorités ont sacrifié la liberté de la presse au nom de la lutte contre ce nouveau “terrorisme”. Une ordonnance sécuritaire a été adoptée permettant d’emprisonner, pour des périodes allant d’un à trois ans, des journalistes qui auraient rencontrés des rebelles maoïstes. Une dizaine de reporters ont été agressés ou menacés de mort par des policiers ou des membres des milices locales chargées de contrer l’influence maoïste. Au moins deux correspondants du quotidien Hind Sat ont été contraints de cesser leurs activités, de peur des représailles.
Au Cachemire, la presse n’a pas vraiment profité du rapprochement indo-pakistanais. Certains groupes séparatistes, de plus en plus radicaux, ont menacé d’attentats-suicides les opérateurs locaux de télévision par câble. Craignant pour leur sécurité, certains ont décidé de cesser la diffusion de chaînes jugées “obscènes” par les groupes armés. Ces derniers ont également visé des journalistes. En juin, Shujaat Bukhari, correspondant au Cachemire du quotidien national The Hindu, a échappé à une tentative d’assassinat menée par des hommes armés. Les services de sécurité indiens ont également été impliqués dans des attaques contre la presse, comme l’agression, en septembre, de trois reporters, bastonnés par des policiers dans les rues de Srinagar. Par ailleurs, Abdul Rouf, du Srinagar News, et son épouse Zeenat Rouf, ont été arrêtés en novembre dans des circonstances troubles. De son côté, le photojournaliste Muhammad Maqbool Khokar est détenu depuis le 18 septembre 2004, en vertu d’une loi d’exception sur la sécurité publique. Malgré les demandes de la justice et de la Commission nationale des droits de l’homme, la police a refusé de le libérer.
Source RSF - Inde - Rapport annuel 2007
Revue de presse